Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/482

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bane et celui qui a emprunté la première peau de bête ont créé toute la misère du monde

Sûr de son affaire, il ne discutait point. Tout au plus admettait-il une période de transition pendant laquelle on diminuerait peu à peu les habits.

Pour le demeurant, Lucien Troublon était un compagnon aimable, qui favorisait d’autant plus la propagande antimilitariste qu’il voyait dans l’armée « l’ultime produit de la demeure et du vêtement ».

Armand prit sur ces jeunes hommes un ascendant plein de douceur. Il les entraînait dans ses pérégrinations, leur communiquait le goût des sites et mêlait aux exhortations révolutionnaires le charme aigu de la jeunesse, le vague d’un immense avenir, les possibilités infinies qui s’offrent aux âmes encore croissantes.

D’abord le projet demeura presque hypothétique. Arthur Méchain et le fossoyeur l’adoptèrent sans réticence, le fossoyeur avec une joie mystique, Méchain avec un frémissement de haine. Paul Roubelet voulait que les déserteurs fussent au moins une vingtaine et qu’ils ne partissent pas sans avoir « mis du poivre dans le derrière du capitaine ». Alphonse Marchot fut saisi d’épouvante. Dans le premier moment, il mit la main à son ventre et se sentit chavirer. Ensuite, il s’habitua et posa beaucoup de questions sur la Hollande, dont il avait entendu dire que c’était le pays des moulins à vent. Pierre Torcol comprit qu’il serait entraîné par les camarades. Et il ne résista pas. Pourtant l’image de sa famille lui faisait le cœur gros : lorsqu’il recevait un mandat, ses yeux se remplissaient de larmes. Lucien Troublon entrevit des terres neuves où il vivrait de fruits et dormirait dans une caverne. Antoine Fagot accueillit l’idée avec une circonspection froide et sinistre. Elle augmenta sa méfiance. Il se retournait dans la rue et s’arrêtait der-