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LES NAVIGATEURS DE L’INFINI

cœur : la réalité m’a ressaisi. Je me retrouve sur un monde mourant : la Terre est perdue !

C’est encore la nuit pleine. À travers la petite fenêtre, je vois le ciel fourmillant d’Éthéraux. Vaguement, je cherche pour la millième fois, à me représenter leurs sentiments, leurs pensées, leurs rêves… des chimères naissent… qui sait s’ils ne pourraient nous aider ! Impossible. Ils n’ont aucune idée de la pesanteur, de nos mouvements, de nos efforts, de nos mécanismes. Tout cela est d’un rythme trop ralenti, et du reste, ils ne sont pas constructeurs.

Une voix s’éleva dans l’ombre : la voix de Jean.

« Faut-il avertir la Terre ? Sa position est favorable cette nuit. »

J’ai répondu :

« Elle le sera tout autant demain.

— Je te comprends ! Tu espères encore revoir Antoine. Moi pas. Nous l’aurions revu depuis longtemps si le retour était possible.

Je ne l’espère pas plus que toi et tout de même, il vaut mieux attendre un jour.

— Attendons ! »

La sombre insomnie. Tous mes nerfs sont tendus, mon cœur, par intervalles, bondit comme une bête sauvage. Je pourrais être heureux ici, pourtant, s’il était possible d’y vivre ? Violaine, l’amour terrestre ; Grâce, le miracle. Je n’ai plus d’autres parents là-bas qu’un frère qui ne m’aime guère et que je vois