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Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/232

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C’est dans ce moment que je fus pris de folie. J’oubliai positivement la distinction entre le moi et le non-moi ; le danger s’effaça dans mon imagination et dans mon instinct. Je ne vis que cette faible troupe écrasée par le nombre. Et, jetant un cri farouche, je dévalai à grands sauts la pente. Je n’étais pas seul : le lion m’avait suivi d’abord, précédé ensuite. Parfois il s’arrêtait pour m’attendre, levait sa tête énorme et poussait un rugissement qui roulait sur le désert comme la foudre parmi les nuages.

Notre apparition produisit un effet formidable. Les nègres ne se rendirent pas un compte exact de ce qui se passait : l’alliance d’un lion et d’un homme dut leur paraître quelque chose de surnaturel. Peut-être, malgré tout, nous eussent-ils attaqués, mais leur besogne était finie. Ils avaient assommé les blancs, assemblé les méharis, les chevaux et les femmes : seules trois créatures humaines et quelques bêtes avaient