Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/24

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j’eus pourtant la force d’armer ma carabine, protégée par une gaine de cuir huilé, puis je tentai de sonder les ténèbres. Autant aurait valu tenter de regarder au travers d’une muraille.

« Comment le sais-tu ? » dis-je.

Un grondement assourdi s’éleva sur la plaine, dissipant tout doute. C’était bien Lui, le plus grand fauve du monde, l’immense tigre du Septentrion qui franchit les rivières glacées, ravage les petites cités de l’Amour, successeur, sinon descendant, du formidable dominateur de l’âge quaternaire.

Ce n’était pas la première fois que nous le rencontrions. Mais à douze, derrière un brillant feu de campement, bien armés, bons tireurs, il ne nous avait jamais surpris jusqu’à l’épouvante, tandis que dans cette nuit funèbre, nous étions incapables de suivre les mouvements du monstre. Nous n’avions que la ressource d’attendre. Lui y voyait admirablement.