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Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/257

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l’intuition paraissait vive, se mêlait à nos palabres ; quoique, en général, elle m’entendît moins bien qu’Oumar, il y avait des nuances qu’elle saisissait mieux. Abd-Allah, insoucieux et moins fin, préférait se servir des autres comme truchements.

Ce n’étaient pas de méchantes gens. Ils avaient leur morale particulière, des préjugés, des bizarreries, des goûts et des dégoûts qui ne s’accordaient pas avec les miens, mais le fond était tolérable. Pour vivre ensemble, la bonne humeur, l’indulgence, l’affectivité, valent mieux que des préceptes. Il en est de la morale comme de la loi : elle est faite surtout pour les êtres sournois, cruels, fauves et brutaux ; les personnes naturellement aimantes et sincères se passent assez bien de préceptes. Malgré l’extrême différence de nos coutumes et de nos idées, nous nous entendions donc, mes Maures et moi : je leur donnais ma confiance ; ils me rendaient la leur avec usure.