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Page:Rosny aîné - Nymphée - Le Lion, 1909.djvu/262

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étions seuls. Saïd avait choisi une retraite où il dormassait ; les bêtes de somme paissaient l’herbe bleue, verte et violette. Mon cœur jasait comme la rivière ; Aïcha, pensive, avait appuyé sa tête contre un jeune myonnbo.

Jamais elle ne m’était apparue plus émouvante ; jamais non plus je n’avais eu un tel désir de voir son visage.

Nous échangions des propos vagues, brefs et monotones. Mais il y avait entre nos âmes la chose essentielle, qui éclaire et commande, la chose fatale et redoutable qui accroît la signification de la lumière, des herbes et des fleurs.

Je finis par ne plus même essayer de me faire comprendre ; c’était si inutile ! Je parlais en français, je disais, pêle-mêle : « Que vous êtes charmante, Aïcha, d’être si différente des femmes de ma race ! Vos yeux sont l’inconnu, le lointain, l’infini… Puisque le hasard et les circonstances dé-