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L’ALLEMAGNE

de la science sur la poésie. La poésie scientifique est un leurre, certes, mais il y a une poésie de la science, celle qui revêt des pures et nobles formes poétiques le prodigieux effort et les incessantes conquêtes de l’esprit humain à travers les âges.

Il faut voir de préférence, dans les dissertations de Mérian, une heureuse tentative d’enquête générale et d’histoire philosophique appliquées aux œuvres littéraires. C’était une merveilleuse intelligence que ce Mérian, un peu paresseuse, trop modeste, mais si riche et si libre ! Il était de ces hommes de lettres qui sont, en littérature, « citoyens du monde », qui voudraient s’assimiler et goûter tout le génie des nations et des siècles, « savourer avec le même délice, les fruits les plus exquis de tous les climats ». On a de lui des travaux qui sont perdus dans les Mémoires de l’Académie de Berlin et qui, s’il les avait groupés en un ouvrage synthétique, lui eussent rapporté la gloire. La gloire ? Il s’en souciait bien !

Son amitié pour Lambert lui arracha cependant un brillant résumé, qui parut en français sous le titre de Système du monde (1770), des Cosmologische Brie fe au fameux naturaliste ; Lalande en fut ravi, et il écrivait à Bonnet : « J’ose vous assurer que vous n’avez rien lu encore sur l’harmonie universelle, qui puisse entrer en comparaison avec ceci ». On a enfin de lui une excellente traduction de la Proserpine de Claudien ; et c’est tout le bagage d’auteur, je crois, de « notre bon Suisse, M. Mérian », le « bon Suisse », simple, franc, de grand sens et de grand esprit, qu’aima Frédéric II.

Homère suscita d’autres « mémoires » à l’Académie royale ; il contribua même à faire des académiciens. N’est-ce pas, en effet, V Essai d’une traduction d’Homère (1760), suivie, vingt-six ans après, d’une traduction complète, bien oubliée, de l’Odyssée et de l’Iliade