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VOYAGE

1792.
Mai.
dans toute autre saison que dans les trois mois d’été ; cette reconnoissance, pour être bien faite, exige un temps constamment beau et de longs jours : le soin de ne rien laisser d’imparfait est resté seul aux navigateurs qui n’ont pas eu le mérite des premières découvertes.

Un des naturalistes a trouvé dans ce havre des ossemens qu’il a jugés avoir appartenu au corps d’une très-jeune fille ; ils étoient parmi les cendres d’un des foyers où il paroît que les naturels font cuire leurs alimens : quelques restes de chair grillée paroissoient attachés à ces ossemens. Un fait ainsi isolé, sans autres indices, sur-tout chez un peuple de mœurs aussi simples, n’est pas suffisant pour autoriser des conjectures injurieuses à la nature humaine et qui la ravalent au-dessous des bêtes les plus féroces, lesquelles du moins épargnent leur propre espèce. Ne pourroit-on pas conclure seulement de ce fait, que les sauvages ont coutume de consumer par le feu les dernières dépouilles de l’espèce humaine !

14. Dès que nos réparations furent terminées, nous nous disposâmes au départ : mais, dans la nuit qui devoit le précéder, des grains violens de Nord-Ouest firent chasser et échouer les deux frégates ; le jour suivant fut employé à les mettre à flot : le vent se calma dans l’après-midi et nous fit espérer de sortir enfin de ce port, où notre séjour avoit été prolongé beaucoup plus que je ne le comptois. Nous mîmes 16. sous voiles, le 16 mai de très-grand matin ; et, à l’aide d’un léger vent du Nord, et par le moyen de nos embarcations, nous quittâmes ce havre. Il nous avoit fait éprouver une