Il le faut, je le sais, je le sens, je le veux,
Puisqu’un souffle a passé ce soir dans mes cheveux,
Puisque par des frissons mon âme est avertie,
Et puisque mon costume est blanc comme une hostie !
(Il murmure comme si quelqu’un seulement devait l’entendre.)
Père ! à tant de malheur que peut-on reprocher ?
Chut !… J’ajoute tout bas Schœnbrunn à ton rocher !…
(Il reste un moment les yeux fermés, et dit :)
… C’est fait !…
(L’aube commence à poindre… Il reprend d’une voix forte :)
Mais à l’instant où l’aiglon se résigne
À la mort innocente et ployante d’un cygne,
Comme cloué dans l’ombre à quelque haut portail,
Il devient le sublime et doux épouvantail
Qui chasse les corbeaux et ramène les aigles !
Vous n’avez plus le droit de crier, champs de seigles !
Plus d’affreux rampements sous ces bas arbrisseaux :
J’ai nettoyé le vent et lavé les ruisseaux !
Il ne doit plus rester, plaine, dans tes rafales,
Que les bruits de la Gloire et les voix triomphales !
(Tout se dore. Le vent chante.)
Oui ! j’ai bien mérité d’entendre maintenant
Ce qui fut gémissant devenir claironnant !…
(De vagues trompettes sonnent. Une rumeur fière s’élève. Les Voix, qui gémissaient tout à l’heure, lancent maintenant des appels, des ordres ardents.)
De voir ce qui traînait de triste au ras des chaumes
S’enlever tout d’un coup en galops de fantômes !
(Des brumes qui s’envolent semblent galoper. On entend un bruit de chevauchée.)
En avant !
La poudre que la charge, en passant, jette aux yeux !…
Chargez !