Page:Rostand - Chantecler.djvu/145

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CHANTECLER.

Que dis-tu quand tu vois sur les monts l’aube luire ?

LE MERLE.

Je dis que la montagne accouche d’un sourire !

Il s’évade, d’un saut.
CHANTECLER, le suivant.

Et que dis-tu quand je chante dans le sillon
Même avant le grillon ?

LE MERLE.

Même avant le grillon ? Pends-toi, brave Grillon !

Il s’évade, d’un saut.
CHANTECLER, hors de lui.

Tu n’as pas eu besoin de crier quelque chose
Lorsque j’ai fait lever une aurore si rose
Qu’un héron avait l’air, au loin, d’être un ibis ?

LE MERLE.

Mais si, mais si, mon vieux, j’ai failli crier : bis !

Il s’évade, d’un saut.
CHANTECLER, épuisé.

Cette âme !… On est plus las d’avoir couru sur elle
Que d’avoir tout un jour chassé la sauterelle !

Violemment.

Tu n’as pas vu le ciel ?…

LE MERLE, ingénu.

Tu n’as pas vu le ciel ?… Je n’ai pas pu le voir :
On ne voit que le sol par le petit trou noir.

Il montre le pot de terre.
CHANTECLER.

Tu n’as pas vu trembler les cimes écarlates ?

LE MERLE.

Pendant que tu chantais je regardais tes pattes !