Page:Rostand - Chantecler.djvu/198

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LA FAISANE, voyant la gorge ensanglantée de Chantecler.

Du sang !

UNE POULE, se dressant sur la pointe des pattes,
derrière le Padoue Doré.

Du sang ! Je voudrais voir le sang !

LE PILE BLANC, fonçant furieusement.

Du sang ! Je voudrais voir le sang ! J’aurai ta peau !

LA POULE QUI VEUT VOIR.

Le chapeau du Padoue est devant moi !

LE MERLE.

Le chapeau du Padoue est devant moi ! Chapeau !

On sent que Chantecler est perdu. Il se met en boule, comme pour mourir.
UNE VOIX.

Quel coup ! C’est à la crête !

CRIS PERÇANTS DE LA FOULE EN DÉLIRE.

Quel coup ! C’est à la crête ! Arrache ! — Égorge ! — Assomme !
— Tue !

PATOU, dressé dans la brouette.

— Tue ! Avez-vous fini de pousser des cris d’homme ?

CRIS CADENCÉS, rythmant férocement les coups reçus par Chantecler.

C’est à l’œil ! — C’est au front ! — C’est à l’aile ! — C’est à…

Brusque silence.
CHANTECLER, surpris.

Tiens ! le cercle se brise et le bruit s’arrêta ?…

Il regarde autour de lui. Le Pile, cessant de l’attaquer, a reculé contre la haie. Un mouvement étrange se produit dans la foule. Chantecler, épuisé, sanglant, trébuchant, ne comprenant pas ce qui se passe, murmure :

Que préparent-ils donc contre mon agonie ?…

Et tout d’un coup, ému.

— Ah ! Patou, quel bonheur !

PATOU.

— Ah ! Patou, quel bonheur ! Quoi ?

CHANTECLER.

— Ah ! Patou, quel bonheur ! Quoi ? Je les calomnie !