Page:Rostand - Chantecler.djvu/201

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LA FAISANE, criant.

Gare ! il a deux ergots d’acier tranchant, la brute !

CHANTECLER.

Je le savais !

LE CHAT, du haut de son arbre, au Pile Blanc.

Je le savais ! Sers-toi de tes rasoirs !

PATOU, prêt à s’élancer de la brouette.

Je le savais ! Sers-toi de tes rasoirs ! Minute ! S’il s’en sert, je l’étrangle !

LA FOULE, déçue.

S’il s’en sert, je l’étrangle ! Oh !

PATOU.

S’il s’en sert, je l’étrangle ! Oh ! Malgré les clameurs !

LE PILE BLANC, se sentant perdu

Tant pis !

LA FAISANE, qui ne le quitte pas des yeux.

Tant pis ! Il fait tourner un des rasoirs !

LE PILE BLANC, frappant de son ergot tranchant.

Tant pis ! Il fait tourner un des rasoirs ! Tiens, meurs !

Il pousse un cri terrible, cependant que Chantecler, sautant de côté,
a évité le coup.

Ah !

Il s’effondre. Cri de stupéfaction.
PLUSIEURS VOIX.

Qu’est-ce ?

LE MERLE, qui est allé regarder en sautillant.

Qu’est-ce ? Rien. Il s’est, d’une façon adroite,
Coupé la patte gauche avec la patte droite.

LA FOULE, poursuivant d’une huée le Pile, qui, s’étant péniblement relevé,
se sauve à cloche-pied.

Hu !

PATOU et LA FAISANE, riant, pleurant, parlant à la fois autour de Chantecler,
qui est demeuré immobile, exténué, les yeux fermés.

Hu ! Chantecler ! — C’est nous ! — La Faisane ! — Le Chien !
— Que nous dis-tu ?

CHANTECLER, rouvrant les yeux, les regarde et dit doucement :

— Que nous dis-tu ? Le jour se lèvera demain !