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Scène PREMIÈRE


Au lever du rideau, on voit, dans tout le sous-bois, à perte de vue, des lapins qui hument le soir. Moment de silence et de fraîcheur.


LES LAPINS, chœur invisible des OISEAUX.


UN LAPIN.

C’est l’heure où lentement deux Fauvettes, dont l’une
Est à capuchon noir et l’autre à mante brune,
Car l’une est des jardins et l’autre est des roseaux,
Vont dire l’oraison du soir…

UNE VOIX, dans les branches.

Vont dire l’oraison du soir… Dieu des oiseaux !

UNE AUTRE.

Ou plutôt — car il sied avant tout de s’entendre
Et le vautour n’a pas le Dieu de la calandre ! —
Dieu des petits oiseaux !…

MILLE VOIX, dans les feuilles.

Dieu des petits oiseaux !… Dieu des petits oiseaux !…

LA PREMIÈRE VOIX.

Qui pour nous alléger mis de l’air dans nos os
Et pour nous embellir mis du ciel sur nos plumes,
Merci de ce beau jour, de la source où nous bûmes,
Des grains qu’ont épluchés nos becs minutieux,
De nous avoir donné d’excellents petits yeux
Qui voient les ennemis invisibles des hommes,
De nous avoir munis, jardiniers que nous sommes,
De bons petits outils de corne, blonds ou noirs,
Qui sont des sécateurs et des échenilloirs…

LA DEUXIÈME VOIX.

Demain, nous combattrons les chardons et les nielles
Pardonnez-nous, ce soir, nos fautes vénielles
Et d’avoir dégarni deux ou trois groseilliers.