Page:Rostand - Chantecler.djvu/253

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Mes cris font à la Nuit qu’ils percent sous ses voiles
Ces blessures de jour qu’on prend pour des étoiles !
Moi, je ne verrai pas luire sur les clochers
Le ciel définitif fait d’astres rapprochés ;
Mais si je chante, exact, sonore, et si, sonore,
Exact, bien après moi, pendant longtemps encore,
Chaque ferme a son Coq qui chante dans sa cour,
Je crois qu’il n’y aura plus de nuit !

LA FAISANE.

Je crois qu’il n’y aura plus de nuit ! Quand ?

CHANTECLER.

Je crois qu’il n’y aura plus de nuit ! Quand ? Un Jour !

LA FAISANE.

Va-t’en donc oublier notre forêt !

CHANTECLER.

Va-t’en donc oublier notre forêt ! Non certe,
Je n’oublierai jamais la noble forêt verte
Où j’appris que celui qui voit son rêve mort
Doit mourir tout de suite ou se dresser plus fort !

LA FAISANE, d’une voix qui veut être insultante

Rentre à ton poulailler, le soir, par des échelles !

CHANTECLER.

Les oiseaux m’ont appris qu’on monte avec ses ailes !

LA FAISANE.

Va voir ta vieille Poule au fond de son panier !

CHANTECLER.

Ah ! forêt des Crapauds, forêt du Braconnier,
Forêt du Rossignol, forêt de la Faisane,
Quand elle me verra, ma vieille paysanne,
Revenir de ton ombre où l’on souffre en aimant,
Que dira-t-elle ?

PATOU, imitant la vieille voix attendrie.

Que dira-t-elle ? « Il a grandi »…

CHANTECLER, avec force.

Que dira-t-elle ? « Il a grandi »… Certainement !

Il va pour sortir.