Page:Rostand - Chantecler.djvu/47

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Vous, mes Poules, soyez pleines de soins touchants
Pour ces fleurs dont le crime est de pousser aux champs
La carotte sauvage a le droit d’être belle.
Si sur la plate-forme exquise d’une ombelle
Marche un insecte rouge et pointillé de noir,
Cueillez le promeneur, mais non le promenoir !
Les fleurs d’un même champ sont des sœurs, il me semble,
Qui doivent sous la faulx tomber toutes ensemble.
Allez !

Elles vont pour sortir. Il les rappelle.

Allez ! Et, vous savez, quand les poules vont aux…

UNE POULE, s’inclinant.

Champs…

CHANTECLER.

Champs… La première…

TOUTES LES POULES, s’inclinant

Champs… La première… Va devant !

CHANTECLER.

Champs… La première… Va devant ! Allez !

Elles vont pour sortir. Les rappelant brusquement :

Champs… La première… Va devant ! Allez ! Deux mots

D’une voix grave.

Jamais en traversant la route on ne picore !

Les Poules s’inclinent.

— Vous pouvez traverser !

UNE TROMPE, au loin.

— Vous pouvez traverser ! Pouh ! pouh ! pouh !

CHANTECLER, se précipitant devant elles, les ailes ouvertes.

— Vous pouvez traverser ! Pouh ! pouh ! pouh ! Pas encore !

LA TROMPE, tout près, au milieu d’un ronflement terrible.

Pouh ! pouh ! pouh !

CHANTECLER, leur barrant le passage pendant que tout tremble

Pouh ! pouh ! pouh ! Attendez !

LA TROMPE, très éloignée, dans le ronflement qui décroît.

Pouh ! pouh ! pouh ! Attendez ! Pouh ! pouh ! pouh !