Page:Rostand - Chantecler.djvu/50

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CHANTECLER.

Et je grogne au danger. C’est mon humeur. De dogue !

PATOU.

Tu fais des mots ? Ça va très mal ! Le psychologue
Que je suis sent le mal s’accroître.

Il renifle

Que je suis sent le mal s’accroître. Et j’ai le flair
D’un ratier !

CHANTECLER.

D’un ratier ! Tu n’es pas un ratier.

PATOU, secouant la tête.

D’un ratier ! Tu n’es pas un ratier. Chantecler,
Qu’en savons-nous ?

CHANTECLER, le considérant.

Qu’en savons-nous ? C’est vrai que ta race est étrange.
Au fait, qu’es-tu ?

PATOU.

Au fait, qu’es-tu ? Je suis un horrible mélange !
Je suis le chien total, fils de tous les passants !
J’entends japper en moi la voix de tous les sangs :
Griffons, mastiffs, briquets d’Artois ou de Saintonge,
Mon âme est une meute assise en rond, qui songe !
Coq, je suis tous les chiens, je les ai tous été.

CHANTECLER.

Ça doit faire une somme énorme de bonté !

PATOU.

Vois-tu, nous sommes faits pour nous entendre, frère !
Tu chantes le soleil et tu grattes la terre :
Moi, quand je veux m’offrir un instant sans pareil…

CHANTECLER.

Tu te couches par terre et tu dors au soleil !

PATOU, avec un petit jappement heureux.

Oui !

CHANTECLER.

Oui ! Cette double amour nous fut toujours commune !

PATOU.

J’aime tant le soleil que je hurle à la lune ;