Page:Rostand - Chantecler.djvu/56

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Tu cueilles trop le prix de tes cocoricos
Sur des becs !

CHANTECLER.

Sur des becs ! Mais l’amour, c’est la gloire en bécots !

PATOU.

Moi, je fus jeune aussi. J’eus ma beauté du diable…
Un œil incendiaire, un cœur incendiable.
Eh bien, je fus trompé. Pour un autre plus beau ?
Non ! elles m’ont trompé pour un sale cabot !

Rugissant tout d’un coup.

Trompé pour qui ? pour qui ? Le sais tu ?

CHANTECLER, reculant.

Trompé pour qui ? pour qui ? Le sais tu ? Tu m’effrayes !

PATOU.

Pour un basset qui se marchait sur les oreilles !

LE MERLE, qui a entendu les derniers cris de Patou, passant la tête
à travers les barreaux de sa cage.

Comment ! il crie encore à propos du basset ?
Eh bien, quoi ? tu le fus ! L’être, qu’est-ce que c’est ?
On l’est tous ! C’est la négligeable contingence !
Et moi-même, malgré ma vive intelligence,
Tout en noir, mais trahi par mon bec jaune d’œuf,
Je ne suis qu’un cocu qui veut passer pour veuf !

PATOU.

Cette plaisanterie est au moins singulière.
Il est certains sujets, pourtant…

LE MERLE.

Il est certains sujets, pourtant… La muselière !

PATOU.

Mais toi qui te permets là-haut de tout railler,
Qu’es-tu donc ?

LE MERLE.

Qu’es-tu donc ? Je suis le titi du poulailler.

PATOU.

Et tu lui porteras malheur !