Du double étui de cuir tire l’un de tes fifres,
Souffle et joue à ce tas de goinfres et de piffres
Ces vieux airs du pays, au doux rythme obsesseur,
Dont chaque note est comme une petite sœur,
Dans lesquels restent pris des sons de voix aimées,
Ces airs dont la lenteur est celle des fumées
Que le hameau natal exhale de ses toits,
Ces airs dont la musique a l’air d’être un patois !…
Que la flûte, aujourd’hui, guerrière qui s’afflige,
Se souvienne un moment, pendant que sur sa tige
Tes doigts semblent danser un menuet d’oiseau,
Qu’avant d’être d’ébène, elle fut de roseau ;
Que sa chanson l’étonne, et qu’elle y reconnaisse
L’âme de sa rustique et paisible jeunesse !…
Écoutez, les Gascons… Ce n’est plus, sous ses doigts,
Le fifre aigu des camps, c’est la flûte des bois !
Ce n’est plus le sifflet du combat, sous ses lèvres,
C’est le lent galoubet de nos meneurs de chèvres !…
Écoutez… C’est le val, la lande, la forêt,
Le petit pâtre brun sous son rouge béret,
C’est la verte douceur des soirs sur la Dordogne,
Écoutez, les Gascons : c’est toute la Gascogne !
Mais tu les fais pleurer !
Plus noble que la faim !… pas physique : moral !
J’aime que leur souffrance ait changé de viscère,
Et que ce soit leur cœur, maintenant, qui se serre !
Tu vas les affaiblir en les attendrissant !