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Page:Rostand - Les Musardises, 1911.djvu/293

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Oui, l’homme, maintenant, haussant sa silhouette,
Droit, — comme s’il savait aussi bien qu’un poète
Que, lorsqu’on se retrouve seul,
Il n’est pas de fierté que l’on ne récupère, —
N’avait plus l’air d’un paysan et d’un grand-père,
Mais d’un seigneur et d’un aïeul.

Le vent du sud soufflait sa brûlante caresse.
Et je suivais ce vieux en murmurant : « Serait-ce?... »
Et, tout d’un coup, je dis : « Mais c’est !... »
Et me mis à courir à travers la campagne,
Pâle de voir que, plus il entrait en Espagne,
Plus le vieil homme grandissait.

Il jeta son béret, hocha sa tête grise ;
Puis, comme s’il avait entendu dans la brise
Le nom que je n’avais pas dit.
Il posa sur le sol ses armes en silence,
Se coiffa fièrement du plateau de balance,
Et, se retournant, m’attendit.

Nous étions seuls, tous deux, au milieu d’une lande.
Basse sur l’horizon, la lune était si grande
Que tout prenait un air sorcier.