Page:Rostand - Un soir à Hernani, 1902.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’enthousiasme était dans mon âme. J’avais
Besoin d’entendre là ce nom que je savais,
Et ce nom que pourtant j’étais si sûr d’entendre
Je l’attendais, — j’étais tout pâle de l’attendre !
Et j’eus froid dans le dos et les larmes aux yeux
Lorsque, rendu plus grand par l’accent de ce vieux
Et par la majesté du val crépusculaire,
Avec je ne sais quoi de farouche sur l’R
Qui vibra comme vibre un fer de makhila,
Avec sur l’I beaucoup de langueur, et sur l’A
Cette sonorité gutturale et chantante
Qui prolonge, élargit, et solennise, et, lente,
Balance une voyelle ainsi qu’un encensoir,
Le nom d’Hernani roula dans l’or du soir !


Hernani ! Hernani !…


Hernani ! Hernani !… Pâtre du pays basque,
Quand le silence emplit le val comme une vasque,
Tu l’entends se rider au loin du moindre bruit ;
Et tu peux, quand parfois tu jettes dans la nuit
Le long ricanement de ton vieux cri de guerre,
Suivre, comme un enfant suit jusqu’au bout sa pierre,
Ton cri jusqu’aux derniers ricochets musicaux
De ses échos et des échos de ses échos !
Mais tu ne peux pas suivre un nom qui se prolonge
Dans tous les contreforts des Montagnes du songe,
Qui fait chanter tous les sommets roses qu’en nous
Ont laissé les premiers enthousiasmes fous ;