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ABRAHAM,

mière faute elle a ajouté des fautes encore plus grandes.

EPHREM.

Je suis troublé jusqu’au fond du cœur ; Tous [illisible]mes membres perdent leur force.

ABRAHAM.

Après [illisible]s’être punie elle-même par sa funeste dissimulation[illisible], vaincue par l’excès de sa eur[illisible], elle se précipita dans l’abîme du découragement[illisible].

EPHREM.

Ah [illisible]quelle perte funeste !

ABRAHAM.

Désespérant [illisible]de mériter jamais son pardon, elle rentra dans le siècle et se fit un instrument de la vanité du monde.

EPHREM.

Jamais jusqu’à ce jour le démon n’avait remporté une pareille victoire sur un solitaire.

ABRAHAM.

Nous sommes maintenant la proie des démons.

EPHREM.

Il est étonnant qu’elle ait pu s’échapper à votre insu.

ABRAHAM.

J’avais déjà l’esprit troublé ; déjà une vision effrayante, si mon esprit n’eût pas été frappé d’aveuglement, me présageait la ruine de Marie[1].

EPHREM.

Racontez-moi cette vision.

ABRAHAM.

Il me semblait que j’étais à la porte de ma cellule, lorsqu’un dragon énorme et qui rependait une odeur fétide s’abattit avec impétuosité sur une jeune et blanche colombe qu’il trouva près de moi, la saisit, la dévora et disparut.

EPHREM.

Cette vision était bien claire.

ABRAHAM.

À mon réveil, réfléchissant à ce que j’avais vu, je craignis que l’église ne fût menacée d’une persécution qui fit tomber quelques fidèles dans l’erreur.

EPHREM.

Cela était à craindre.

ABRAHAM.

Ensuite, me prosternant pour prier, je suppliai celui dont la prescience connaît l’avenir de me découvrir la suite de ce songe.

EPHREM.

Vous avez bien agi.

ABRAHAM.

Enfin, la troisième nuit, lorsque je reposais mes membres fatigués, je crus voir le même dragon rouler mort à mes pieds et la colombe reparut à mes yeux sans la moindre blessure.

EPHREM.

Ce récit me comble de joie ; car je ne doute pas que votre chère Marie ne revienne un jour près de vous.

ABRAHAM.

À mon réveil, en me rappelant ce songe, je me consolais du malheur que me présageait le premier. Je me recueillis alors pour penser à ma pupille. Je me souvins aussi, non sans tristesse, que depuis deux jours je ne l’entendais plus chanter, selon sa coutume, les louanges du Seigneur.

EPHREM.

Ce souvenir était bien tardif.

ABRAHAM.

Je l’avoue ; je m’approchai, je frappai de la main à la fenêtre de Marie en l’appelant plusieurs fois ma fille.

EPHREM.

Hélas ! c’était en vain que vous l’appeliez.

ABRAHAM.

Cette idée ne me vint pas encore ; je lui demandai la cause de sa négligence à remplir ses devoirs pieux, mais je ne reçus pas le plus faible murmure pour réponse.

EPHREM.

Que fîtes-vous alors ?

ABRAHAM.

Dès que je m’aperçus que celle que je cherchais était absente, mes entrailles furent émues de crainte, tout mon corps trembla.

EPHREM.

On ne peut s’en étonner, et moi-même j’éprouve le même trouble en vous écoutant.

ABRAHAM.

Je remplis les airs de cris lamentables, demandant quel loup m’avait enlevé mon agneau, quel brigand retenait ma fille captive ?

EPHREM.

Vous déploriez avec raison la perte de celle que vous avez nourrie.


ABRAHAM.

Enfin arrivèrent des gens qui, sachant la vérité, me dirent tout ce que je vous ai raconté et m’apprirent qu’elle s’était livrée aux vanités du siècle.

EPHREM.

Où demeure-t-elle ?

  1. Bien que ces comédies soient faites, comme le dit l’auteur, ad Œmulationem Terentii, ce sont les imitations de Virgile, et particulièrement des églogues, qui semblent y dominer.