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M. Diaghileff, avec la collaboration d’artistes délicats comme MM. Bakst et Benois, nous a montré d’admirables variations sur les couleurs. Mais il ne faut pas croire que cet ensemble de décors et de costumes constitue uniquement la rénovation théâtrale. En Russie même, d’autres réformes, tout aussi puissantes, ont été étudiées ; Mme Komissarjevskaia, MM. Stanislavsky, Dantchekko, Meyerkhold, ont scruté la théorie des sons, des lumières, sont arrivés à des réalisations merveilleuses. On connaît le succès de l'Oiseau Bleu de Maurice Maeterlinck. MM. Fuchs, Littmann, Erler, Reinhardt, ont établi en Allemagne de belles simplifications de décors. Enfin M. Gordon Craig cherche, depuis quinze ans, la stylisation, la forme, le rythme, qui conviennent à la beauté scénique.


Les réformes proposées sont de deux sortes :

Les premières touchent à la disposition du théâtre, et à son organisation. Elles comportent l’installation d’une salle en amphithéâtre, d’une scène tournante, d’une lumière diffuse, soit par la coupole Fortuny, soit par d’autres moyens, etc. L’adoption de ces réformes exige une construction neuve. Plusieurs d’entre elles, d’ailleurs, ne paraissent pas encore complètement au point. D’autres sont l’application extrême d’une théorie absolue ; elles restreignent par trop le champ d’action et la fantaisie du metteur en scène ; elles seront applicables, après des perfectionnements ultérieurs, devant un public futur, écoutant des œuvres futures dans la cité future.

Au contraire on peut trouver un intérêt immédiat aux réformes qui concernent moins l’agencement matériel du théâtre que le perfectionnement des procédés et des idées scéniques par quoi une âme nouvelle peut être insufflée aux œuvres les plus connues et les plus traditionnelles.


La mise en scène doit réaliser une union plus grande qu’aujourd’hui entre le drame et ses spectateurs ; pour cela, il ne faut point qu’elle gaspille l’attention du public par la recherche, toujours vaine, d’effets anecdotiques ou de reconstitutions pittoresques. Pourquoi faire éclater un feu d’artifice ou défiler un cortège dans le fond de la scène, alors qu’au premier plan se déroule une scène