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dépendance de l’art plastique. S’inspirant des anciens, et en particulier des Grecs dont la scène présentait une fusion harmonieuse de la forme, des sons et de la danse, on réalisera un ensemble de formes rythmiques où se combineront les trois rythmes essentiels de la parole, du geste et du mouvement. On s’efforcera pour cela d’atténuer le contraste, souvent choquant sur nos théâtres, entre les objets rythmiques qui vivent sur la scène et les fictions figées sur les toiles de la décoration.


On tiendra un compte rigoureux des diverses échelles soit du décor, soit du théâtre, soit des personnages.

Les scènes actuelles ont des proportions invariables, qui faussent souvent l’illusion. Néanmoins, il est plus essentiel encore que la décoration soit construite à l’échelle des personnages. Ceux-ci se meuvent sur la scène ; ils avancent ou ils reculent ; et, chaque fois, la proportion varie entre l’acteur, terme mobile, et la toile de fond ou les portants, termes immobiles.

Comment supporter de grossières invraisemblances, et que, par exemple, des figurants traversant en procession le fond du théâtre, projettent les ombres de leurs têtes au-dessus des balcons figurés sur la toile ?…

Cela est un petit côté de la question : la solution en est facile : supprimer le trompe-l’œil.

Mais il reste à trouver l’échelle du personnage par rapport au décor ; c’est-à-dire le cube scénique. Tout l’effet produit viendra de ce cube.

L’acteur se trouvera agrandi ou diminué suivant les dimensions du décor. On est donc conduit à varier à chaque acte les dimensions de la scène ; en la réduisant par les fausses draperies du manteau d’arlequin. Ainsi Boubouroche ne saurait être représenté sur une scène dont la largeur atteindrait douze ou quinze mètres.

De plus, personnage et décor sont inséparables : l’un et l’autre doivent concourir à procurer une impression unique et harmonieuse ; d’où il suit que présenter, par exemple, Pück dans la même forêt où évolue d’ordinaire le monstre Fafner, c’est, avant même que Pück n’ait paru, rompre la mesure et fausser l’impression ; c’est commettre la même hérésie artistique que d’ajouter, après coup, un berger sur une toile de paysage qui ne le comportait pas. Décor et