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LE THÉÂTRE RUSSE. 45

sion proprement dite, et ne recherche pas la diversité des mises en scène. Il cherche à renouveler le théâtre antique.

Un théâtre dont la direction s’inspire des principes du théâtre Stoudia, et qui porte le nom de sa fondatrice, la célèbre tragédienne Komissarjevskaïa — aujourd’hui défunte — fut dirigé par M. Meyerkhold jusqu’à la fin de l’année 1909. Ce théâtre voulait présenter au public des œuvres intéressantes et neuves, surtout au point de vue du travail de technique et de mise en scène. La révolte contre le naturalisme en est encore l’idée dominante, et règle la mise en scène. Il n’y cherche pas la variété, mais tend à disposer de l’harmonie des lignes, de la disposition des groupes et du coloris des costumes, et sa sobriété de gestes donne plus d’impression de mouvement que les excès du théâtre naturaliste,

Le mouvement scénique ne se manifeste pas par le mouvement proprement dit, mais par la distribution des lignes et des couleurs, — et aussi par la façon dont s’harmonisent lignes et couleurs.

Ce si curieux théâtre a été capable de réaliser dans toutes ses diversités un répertoire comprenant les Marionnettes, de M. Bloch ; la Vie d’un homme, de L. Andréieff ; les tragédies de Maeterlinck (la Sœur Béatrice, Pelléas et Melisande, etc.), avec les Pastorales de Kowmine, et les Mystères de Remisov ; le Don des sages aleilles, de Sologoub ; et combien d’autres œuvres, choisies parmi les plus belles de la littérature contemporaine russe. En 1898, MM. Stanislavsky, Meyerkhold et Nemirovitch Dantchenko fondèrent le théâtre d’art de Moscou.

La devise était : tout prendre de l’âme humaine ; leur ambition de réaliser le théâtre psychologique ; mais, chose curieuse, avec une atmosphère scénique très naturaliste. Toute la partie jeu, traitée symboliquement (dans le sens que les Russes donnent à ce mot, c’est-à-dire simplification, synthétisation, etc.) ; toute la partie accessoire traitée d’une façon naturaliste avec le soin le plus minutieux. Par exemple, dans les Aveugles de Maeterlinck, des recherches de diction, de voix, de jeu, dont nous avons déjà parlé plus haut, et d’autre part le choc des vagues, le bruit d’oiseaux, le retentissement des pas, le vent de la mer, l’impression ’du calme matinal étaient d’une exécution merveilleuse.