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L’ART THEATRAL MODERNE.

Aussi une école sera fondée :

Voici le plan que nous allons mettre à exécution : Nous construirons, à l’aide de capitaux fournis par tous les « amis » du théâtre, réunis en « Société », une Ecole, munie de tout ce qui est nécessaire à la scène, et deux théâtres, dont un en plein air. Ces deux scènes, ouverte et fermée, seront utiles pour nos expériences ; et sur l’une ou sur l’autre, quelquefois sur les deux, toutes les théories seront expérimentées. Les résultats de ces expériences : notes, dessins, photographies, documents phonographiques, cinématographiques, ne seront pas publiés, et ne serviront qu’aux membres de l’École. Nous aurons des instruments pour étudier le son et la lumière en même temps que pour les produire artificiellement. Nous en aurons d’autres pour étudier le mouvement. Il y aura aussi une imprimerie, tous les outils du charpentier, une bibliothèque complète. Nous ferons des expériences dans nos théâtres absolument comme le chirurgien expérimente dans la salle d’autopsie. Notre École nous permettra d’étudier les trois sources naturelles de l’art : le son, la lumière, le mouvement, c’est-à-dire : la voix, la scène, l’action.

Le directeur de théâtre doit être au théâtre ce qu’est le chef d’orchestre : tout doit dépendre de son coup de baguette.

A la lecture d’une pièce il voit le mouvement, le rythme, les tons, les couleurs » Il doit commencer par faire les décors et les costumes. Puis il distribue les rôles aux artistes, qui apprennent le texte avant qu’une seule répétition ait eu lieu. « Ceci n’est pas toujours observé, dit Craig, et mis en pratique, mais le directeur modèle que je décris le fera. » Ensuite il s’occupera de l’éclairage pour créer un lien harmonieux entre le costume, le décor et le poème. Il ne cherchera pas à reproduire la nature, mais à l’interpréter, i1 mettra en relief les personnages principaux. Ceux-ci seront en harmonie avec la pièce plus encore qu’avec leurs propres pensées qui sont souvent opposées à la pièce même.

Craig possède, en même temps qu’un sens pratique qui sait compter avec les exigences de la scène (minutie des détails de costume), une fantaisie imaginative exceptionnelle. D’une simple feuille de papier, il fait sortir de féeriques richesses décoratives et ornementales. La façon dont il représente une rue, un paysage, toute une scène a un charme auquel personne ne reste insensible. La précieuse Revue, The Mask, dirigée si brillamment par M. John Semar, vulgarise prodigieusement les idées du maître.