Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/336

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Sort des hameaux voisins, et muet de terreur,
Va repaître ses yeux d’une scène d’horreur.

Il voit en mille éclats les barques fracassées,
Leurs richesses au loin sans ordre dispersées ;
Les bords en sont couverts. Le vainqueur cependant
Poursuit, enflé d’orgueil, son cours indépendant ;
Et pareil au héros, qui, promenant sa gloire,
Traînoit les rois vaincus à son char de victoire,
Lent et majestueux il s’avance, escorté
Des glaçons, qui n’a guère enchaînoient sa fierté.
Quand un pont tout-à-coup le traverse et l’arrête.
Par l’obstacle irrité, l’humide roi s’apprête
À livrer un assaut qui venge son affront.
Il rassemble ses flots, les entasse ; et plus prompt
Que le feu de l’éclair allumé par l’orage,
Pousse leur vaste amas vers le pont qui l’outrage,
S’arme d’épais glaçons tranchans, amoncelés,
Et frappant sans relâche à grands coups redoublés,
Dans ses larges appuis ébranle l’édifice,
Qu’a voûté sur les flots un magique artifice.
Fuis, pars, éloigne-toi ; fuis, mortel imprudent,