Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/78

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Aux portes d’occident, où ses feux vont s’éteindre :
Vesper a déployé ses humides drapeaux,
Et son sceptre d’ébène appelle le repos.

Des côteaux dépouillés soudain quittant la croupe,
Les bruyans vendangeurs se rassemblent en troupe
Aux deux côtés du char, qui de fleurs est voilé,
Et de quatre chevaux sur deux rangs attellé.
Sous les tonneaux vineux que le pampre décore,
Il s’ébranle : ô tambours, battez, battez encore !
Il marche ; et mille voix répètent ces chansons :
"Amis, point de soucis ; amis, buvons, dansons,
Buvons, et comme nous faisons boire nos belles ;
Le vin, mieux que l’amour, domptera les rebelles ;
Le vin échauffera la maîtresse et l’amant ;
Buvons : qui ne boit pas doit aimer froidement. "
Arrivés au pressoir, du milieu de la foule
Un couple pétulant s’élance, écrase, foule
Sous ses bonds redoublés les grappes en monceaux ;
Le vin jaillit, écume et fuit à longs ruisseaux.
À ces ruisseaux pourprés enyvrez-vous ensemble,
Ô vous tous, que la soif près des cuves rassemble ;