Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/80

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Oui, toi seul. Le plaisir est une heureuse fleur,
Dont ces dieux indulgens, que blasphême un faux sage,
De nos jours épineux ont semé le passage.
De ses parfums en paix respirons les douceurs ;
Et laissant contre nous tonner ces noirs censeurs,
Qui, tristement rongés d’un fiel atrabilaire,
Ont fait un dieu, comme eux et jaloux et colère,
Cessons de redouter leurs funèbres tableaux,
Et tous leurs préjugés, de l’imposture éclos.
Heureux jours, où les dieux habitoient les campagnes,
Où Pan, Flore et Cérès, Diane et ses compagnes,
De mensonges rians fascinoient les mortels,
Et voyoient l’allégresse encenser les autels ;
Qu’êtes-vous devenus, beaux-jours que je regrette !
Qu’il étoit doux alors d’habiter la retraite
D’une grotte, d’un bois ; et dans les champs voisins,
De voir l’or des épis et l’azur des raisins !

Alors l’illusion, pour consoler la terre,
Offroit des dieux amis à l’homme solitaire,
Des dieux, qui comme lui, citoyens des hameaux,
Avoient connu long-tems ses plaisirs et ses maux.