Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/88

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Une fosse profonde ouvroit ses flancs avides ;
Et dans son large sein les cadavres versés
Y tomboient en roulant l’un sur l’autre entassés.
Durant vingt mois entiers, par ce ravage horrible,
Se signala des dieux la colère terrible ;
Rien ne fut épargné : l’impureté des airs
Dépeuple tous les lieux, et les change en déserts.
Dans les champs fortunés, que l’hyerre timide
Enrichit lentement de son tribut humide,
Long-tems aimé des cieux, un hameau, dans son sein,
De cent cultivateurs cachoit l’heureux essaim.
Détrompé de la cour, et honteux de ces brigues
Qui mènent aux honneurs par de viles intrigues,
Philamandre, au milieu des champêtres humains,
Se nourrissoit en paix du travail de ses mains.
D’une fille et d’un fils la vertu florissante
Ornoit de ce nestor la vieillesse innocente.
Pour lui sur le côteau mûrissoit le raisin ;
Cinquante agneaux paissoient l’émail d’un pré voisin ;
Quelques fleurs au printems lui formoient un parterre ;
Et quand des blonds épis il dépouilloit la terre,