Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/94

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toi, mortel ; et foible créature,
Ne vas point d’injustice accuser la nature.
Elle te répondroit : "ne m’accuse de rien.
Le mal est nécessaire ; il l’est comme le bien.
Soumise aveuglément à ce double génie,
Je cède, et je leur dois ma constante harmonie.
Mais détruis un instant l’un de ces deux rivaux,
Ce que tu crois le mieux devient l’excès des maux.
Écoute ; et que ton coeur, dont la plainte m’outrage,
Cesse d’imaginer un plus parfait ouvrage.
Ce vent qui de la terre entrouvrant la prison,
De la peste en cent lieux souffla le noir poison,
Tu veux l’anéantir, ou du moins ne l’entendre
Que murmurant à peine en zéphyr doux et tendre.
Eh ! Tu ne sais donc point qu’un plus affreux revers
S’en va dès ce moment ravager l’univers ?
Au lieu de cette peste errante et passagère,
Que le tems emporta sur son aîle légère,
Par-tout un air infect s’apprête à t’investir.
Des prés marécageux, où tu vois s’engloutir
Les végétaux dissous qui corrompent l’automne ;
De ces champs de bataille, où le bronze qui tonne