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Page:Roujon - La Galerie des bustes, 1908.djvu/196

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LA GALERIE DES BUSTES

méditer cela, avant de nous réjouir, comme d’une conquête, de découvrir des tares dans les âmes ; hautes, ou des sottises dans les grands esprits. On a classé des monuments, on parle de classer les paysages ; sans recourir au zèle du PalaisBourbon, prenons sur nous-mêmes de classer des ombres.

Celle de Jean-Jacques Rousseau ne parvient point à connaître la paix. Elle erre de l’apothéose aux gémonies, comme Rousseau vagabondait de son vivant entre la fortune et la misère. Elle souffre de la critique pathologique. Chacun de nos écrivains a auprès de cette grande mémoire un carabin psychologue qui la surveille, du coin de l’œil, comme l’interne de service au chevet d’un maniaque. La folie de Jean-Jacques a été dûment diagnostiquée ; elle a sa fiche. Nous voulons à toutes forces que le pouvoir de poésie ait pour rançon un peu de démence. Ne pas considérer l’auteur des Confessions comme un aliéné semblerait un déni d’admiration. Les foules, même en Occident, ont un respect attendri des égarés ; passer pour fou n’est pas une défaveur. Mais, de diagnostic en diagnostic, on arrive à exiger que chez Jean-Jacques le monomane ait été doublé d’un gredin. Et là, vraiment, il y a excès de pathologie.

Quelqu’un s’est élevé pour prendre la défense du Citoyen de Genève. Ce ne pouvait être qu’une femme. Rousseau a toujours eu de belles dames dans sa clientèle. A seize ans, il avait trouvé une bonne hôtesse pour lui enseigner l’amour et la