Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome II, 1930.djvu/100

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par le forgeron. Celui-ci leur fit sans doute bon accueil, parce qu’il s’aperçut qu’il ne donnait pas l’hospitalité à des enfants.

« Le lendemain matin, Léveillé, un peu fatigué du voyage, resta à la maison, non pas tant pour se reposer que pour surveiller les allées et venues du bonhomme Gaufflé, car leur hôte avait l’air suspect, il sortait et entrait très souvent. Nos deux amis redoutaient une trahison, et ils n’avaient pas tort, comme tu vas le voir.

« Mon grand-père Jean Godin alla donc seul faire une promenade en ville, dans le but de glaner quelques renseignements sur les prochains mouvements de l’armée du général Murray. Sa mission fut couronnée du plus grand succès, car il revenait, trois ou quatre heures plus tard, avec des nouvelles de la plus haute importance ; il s’était procuré des journaux français, arrivés par le dernier courrier de l’Europe et, ce qui plus est, le plan de campagne que les Anglais devaient mettre à exécution le printemps suivant. Pour s’emparer de ces précieux documents, mon grand-père avait joué la même comédie que Félix Poutré dans la prison de Montréal. En arrivant auprès de la sentinelle qui se tenait à la porte Saint-Jean, mon grand-père se mit à chanceler comme un homme ivre et à insulter le factionnaire, en se servant de la langue anglaise, qu’il maniait assez facilement.

« La sentinelle ne se laissa pas injurier bien long-