Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome I, 1930.djvu/58

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qui ont eu l’audace d’y entrer ont été rossées de coups par les esprits et jetées à la porte d’une manière qui voulait dire : N’y revenez plus. Je puis vous raconter à ce sujet une anecdote qui vous intéressera, j’en suis sûr, et qui vous convaincra de la véracité de mon récit.

« Un soir, j’étais à faire la partie de cartes chez mon voisin Mathurin, riche cultivateur, qui demeure à trois quarts de lieue de la Baie-du-Diable, c’est ainsi qu’on la nomme dans le pays. Il y avait là deux Canadiens, qui arrivaient des chantiers de la Gatineau ; c’étaient deux hommes doués d’une force herculéenne, deux vrais Canadiens du temps passé, qui n’avaient jamais eu peur et qui ne craignaient rien ; ils s’étaient battus avec les raftmen les plus forts de tous les chantiers, et jamais ils n’avaient rencontré leur maître. Plusieurs fois même ils en étaient venus aux prises avec des feux follets, des revenants et le bonhomme Charlo lui-même, — nom que les habitants de la campagne donnent généralement au diable, — et jamais ils n’avaient reçu une seule égratignure.

« Pendant la veillée, mon ami Mathurin se mit à parler des événements extraordinaires qui avaient lieu à la Baie-du-Diable. L’un des hommes de chantiers éclata alors de rire :

« — Comment, s’écria-t-il, vous croyez tous ces contes-là ! Bandes de poules mouillées ! Qu’on nous donne, à mon associé et à moi, la somme de cin-