Page:Roullaud - Crime d'enfants, Album Universel, 1907-01-05.djvu/5

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effet, était reliée à la poutre par une corde solide qui lui enserrait le cou. Cette corde, trop courte pour lui permettre de rester sur son radeau d’occasion sans l’étrangler, était d’une longueur suffisante pour transformer le flotteur en projectile. Dès que le chien nageait, faisant des efforts inouïs pour se débarrasser de son entrave, chaque secousse provoquait une évolution brusque de la pièce de bois et la pauvre bête en recevait un coup violent à la tête. Impossible de plonger, impossible de fuir, impossible d’escalader l’implacable bélier.

Et là-bas, les enfants — les bourreaux — lui jetaient des pierres ou l’appelaient avec des accents d’impitoyable dérision.

Ah ! quel triste naufragé !

Il entend bien qu’on l’appelle. Mais qui ? Ami ou ennemi ? Il essaye de se dresser, aux écoutes, mais la corde infernale lui meurtrit les chairs, et il retombe dans l’eau indifférente.

Où aller ?… Que faire ?…

Il va au hasard, tourne, revient, recommence, se dépense inutilement en douloureux efforts.

À chaque instant, le bloc inerte qu’il meut avec une rage folle, s’abat sur sa tête endolorie, et il ne peut éviter ces chocs brutaux qu’au prix de la noyade ou de la strangulation.

Or, de tous les animaux, l’homme est le seul qui ait recours au suicide. La bête ne s’abandonne jamais. Elle lutte toujours…

Et le martyr des petits mauvais drôles se débat désespérément…

De rares passants s’arrêtent apitoyés. Ils prononcent quelques mots d’une banale pitié, puis, sous l’air vif qui les pique, reprennent leur marche interrompue.

Pour le chien agonisant point de recours et point de secours.