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Tous les êtres divers s’abreuvant à ton fleuve,
Ô terre, tu n’es plus qu’une stérile veuve !…

 Homme, mange ton pain, inondé de sueur ;
Et toi, femme coupable, enfante avec douleur ;
Enfante, en gémissant, et tes fils et tes filles ;
Enfante, avec la mort, de rivales familles ;
Laisse, avec le péché, le fleuve des vivants,
Par l’homme alimenté, s’écouler de tes flancs :
Laisse venir Abel, et Caïn fratricide ;
Vois la tombe engloutir ce cadavre livide !
Ô terre, tu n’es plus qu’un froid séjour de deuil ;
Ton sein, en frémissant, reçoit le noir cercueil ;
Ton sein glacé s’entr’ouvre en vastes catacombes :
Chaque berceau s’attriste, environné de tombes !…

 Enfante, enfante encore, ô mère des vivants ;
Et que ton sein s’épuise à ces enfantements ;
La Vierge-Mère, un jour, doit fleurir de ta race,
Et par son Fils luira le Règne de la grâce !
Pour reblanchir la terre, ainsi teinte de sang,
Il faudra le sang pur du Fils du tout-Puissant ;
Le Verbe alors naîtra, l’Innocente Victime
Mourra sur une Croix pour expier le crime !
Pour faire regermer la jeunesse en ton corps,
Il te faudra la Voix qui ranime les morts :
Dieu seul peut relever l’homme qui se dégrade :
Dieu seul pourra guérir l’humanité malade ! —
Holocauste d’amour, le Verbe se fait chair ;
Le Saint pour nos péchés boit le Calice amer ;
Sur le Calvaire, on voit la Victime élevée ;
Et du sang de l’Agneau la terre est abreuvée !
Jésus-Christ, l’Homme-Dieu, le Juste, l’Innocent,
Le Verbe humanisé, le Fils du Tout-Puissant.
Dieu meurt ! ! ! et par sa mort, tout pour nous se consomme :
L’Homme monte vers Dieu ; Dieu s’abaisse vers l’homme !
Par Lui s’opère enfin l’hymen universel ;
L’homme s’unit à Dieu, — la terre touche au ciel !
Ô mystère d’amour ! ô Théandrique Hostie !
Sacrifice réel en chaque Eucharistie !
Prolongement sans fin de l’Incarnation !
De l’homme avec le Christ ineffable union !.
Sacrement de l’autel, repas eucharistique,
Force, lumière, amour, douce ivresse extatique,
Flamme ardente et luisante au milieu du saint lieu ;
Soulèvement de l’homme au niveau de son Dieu,
Abaissement de Dieu pour s’approcher de l’homme,
Pour établir en lui son mystique royaume !
Communion ! mystère ! inénarrable hymen !
Tu fais du cœur de l’homme un radieux Éden !