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sylvia.


Augustin n’a jamais souffert ce que je souffre ! —
Pardonnez-moi, mon père ! un insondable gouffre
Est ouvert devant moi ; mon cœur est effrayé
Du chemin tortueux que Satan m’a frayé !
Le monde, les parents, les faux biens m’ont séduite,
Et le salut pour moi n’est plus que dans la fuite !
Je le sens, un nuage obscurcit mon esprit ;
Je n’aime plus ! je tremble au nom de Jésus-Christ ?
Mais comment arracher l’épine douloureuse ?
La grâce a déserté mon âme ténébreuse !
De Madeleine en pleurs, ayez compassion !


antoine calybite.


L’amour, le repentir et la confession,
C’est le divin remède aux douleurs de votre âme ;
C’est le baume sacré, le céleste dictame : —
Aimez donc, et pleurez : une larme est assez
Pour faire pardonner tous les péchés passés !


sylvia.


J’aime, — je me repens, — je pleure et m’humilie !
Je le confesse enfin : L’orgueil est ma folie !
Oui, le respect humain, la honte, un lâche orgueil,
M’ont brisée à la fin contre un sinistre écueil ! —
J’ai rougi de Marie, en ma faiblesse extrême ;
J’ai rougi de mon Dieu ; j’ai rougi de moi-même ! —
De reine devenue esclave du démon,
Perdant ma royauté, j’ai dû changer de nom ;
Devant un Maître et Juge irrité, je m’incline…


antoine calybite.


Espérez, mon enfant : l’humilité divine
Attire les pardons et les grâces du ciel,
Et change l’amertume en doux rayons de miel. —
Oubliez le passé, l’avenir vous appelle ;
L’avenir vous réserve une gloire nouvelle !


sylvia.


Des lumières du ciel, des faveurs de Jésus ;
Ô perte irréparable, ô formidable abus !
Quand l’âme, en son péché, pour retourner au monde,
Tombe du haut des cieux, — que sa chute est profonde ! —
Ô mon père ! est-il vrai, puis-je encore espérer ?
Ce profane passé, puis-je assez le pleurer ?