Toutes les fleurs aromatiques,
Remplissent de suavité,
Comme l’encens des basiliques,
Dans les jours de solennité ! —
Pour parcourir les grandes villes,
Je suis sorti de mes forêts ;
J’ai vu tous ces troupeaux serviles,
Et ce qu’ils appellent progrès !
J’ai vu leurs armes meurtrières,
Leurs couteaux et leurs revolvers ;
De ce grand Siècle de lumières
J’ai vu tous les héros pervers !
J’ai vu les gazettes vénales,
Et tant de lâches écrivains ;
J’ai vu les plumes les plus sales
Répandre à flots d’impurs venins !
J’ai vu tous ces Pâles-Visages,
Qui se disent civilisés :
Ah ! ce sont là les vrais Sauvages,
Sous de beaux masques déguisés !
J’ai vu ces milliers de coquettes,
En longues robes de velours,
Balayant toutes les banquettes,
Du centre jusques aux faubourgs !
Oui, j’ai vu ce monde égoïste,
Ces froids adorateurs du moi :
Rien de plus laid ! rien de plus triste !
Rien qui m’inspire plus d’effroi !…
Pour vivre inconnu, viens, mon frère ;
Viens au milieu de mes forêts ;
Où l’on respire une atmosphère
D’amour, de prière et de paix ;
Une atmosphère de silence,
D’étude et de recueillement ;
Où Dieu fait sentir sa présence,
Dans l’extatique enivrement !
Oh ! viens, loin d’un monde de fange,
De tout ce qu’il aime et flétrit :
Dieu fit les grands déserts pour l’Ange,
Et pour l’Ermite qu’il bénit !
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