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Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/264

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Insensé qui bâtit sur le sable mouvant,
Sur le roseau fragile agité par le vent ! —
Exaltée, et pourtant sérieuse et sereine,
Un virginal attrait vers le cloître t’entraîne ;
Dans la foule isolée, insensible aux plaisirs,
Tu rêves du désert les austères loisirs ;
Tu rêves la montagne, où l’aigle solitaire
Au roc inaccessible a suspendu son aire ;
Semblable à Jeanne d’Arc, à l’armure d’acier,
De l’amour de ton Dieu tu fis ton boucher ;
Sagement insensée et divinement folle,
À ton front consacré reluit une auréole !


marie-antonie.


Oui, frère, je suis folle aux yeux de l’insensé ;
Folle, comme sont fous les enfants de Rancé ;
Folle, ainsi que l’étaient les chastes ermitesses,
Exhalant leur amour en pieuses tristesses ;
Folle, comme Thérèse et Claire en leurs douleurs ;
Oui, je suis ivre et folle, et j’ai choisi les pleurs :
Oui, voila mon ivresse ; oui, voila ma folie !
Oui, voilà le secret de ma mélancolie !
Du Dieu qui nous aima jusqu’à mourir pour nous,
Mon amour a fait choix ; je l’ai pris pour Époux ;
Plus je l’aime et l’embrasse et plus je deviens chaste :
Le cœur vierge est le seul vraiment enthousiaste !


marthe.


À l’esprit qui t’inspire et t’appelle au repos,
Tandis que moi je lutte au sein des sombres flots,
À ta vocation, sois fidèle, ô Marie ;
Et suis l’attrait divin d’une ascétique vie !
Tandis que dans la crainte et l’amour du Seigneur,
Moi, j’instruis mes enfants ; — toi, va prier, ma sœur ;
Des épouses du Christ suis les sublimes traces ;
Plus humble en mon état, j’ai de moins hautes grâces.
Dans l’amour de Dieu seul ton cœur s’est reposé ;
Par des soucis nombreux le mien est divisé ! —
Va prier, dans la paix et dans la solitude ;
Moi, j’agis dans le trouble et dans l’inquiétude !
Chacune accomplissant des devoirs différents,
Ayons dans notre amour des cœurs persévérants ;
D’un fraternel éclat, divers selon l’apôtre,
Puissions-nous luire au ciel, l’une à côté de l’autre !


emmanuel.


Après de longs combats, d’un éclat fraternel,
Dans le repos divin, puissions-nous luire au ciel !…
Les mérites de l’un, réversibles sur l’autre,
Font que l’anachorète agit avec l’apôtre ;