Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/42

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Et l’Église pour voûte a tout le firmament,
Et pour base immuable un roc de diamant !
Malgré les flots émus et la foudre qui gronde,
Et les terribles chocs dont s’ébranle le monde,
Comme en son nid de perle, au fond de l’océan,
L’immobile poisson ne sent pas l’ouragan ;
Ainsi le vrai chrétien, au fond de sa retraite,
Insensible aux grands flots qu’irrite la tempête,
Confiant en Dieu seul, en Dieu seul abîmé,
N’aimant que Jésus-Christ, et de lui seul aimé,
Ainsi le vrai mystique, en ce monde profane,
Semble au dessus de tout, comme un oiseau qui plane ;
Et dans le sein de Dieu doucement reposé,
Ne ressent rien des chocs dont le monde est brisé.
Sur la mer en courroux, sur la vague sublime,
L’âme, qui la surmonte et contemple l’abîme,
Du ciel plus rapprochée, en son tranquille essor,
Des séraphiques voix entend le saint accord ;
Et puisant la lumière à sa source extatique,
Oublieuse du monde et de sa politique,
Semble goûter déjà l’inénarrable paix,
Que le monde n’a pas et ne donna jamais !
 Telle on vit autrefois, dominant le déluge,
Voguer, sous l’arc-en-ciel, l’Arche, unique refuge ;
Telle on voit aujourd’hui, telle on vit en tous temps,
L’Église dominer tous les débris flottants !
L’orgueil de l’Hérésie, avec la même rage,
Contre elle en vain soulève un incessant orage ;
L’Arche vogue toujours et monte avec les eaux ;
Offrant un calme asile au sommeil des oiseaux ;
Elle vogue toujours sur la mer en furie,
Ayant pour guide sûr l’Étoile de Marie,
Et chaque jour dépose au rivage éternel
Les fils qu’elle a bercés de son chant maternel !
 Heureux qui peut planer au dessus de l’arène
Où s’agite avec bruit la politique humaine ;
Et s’élevant toujours d’un vol surnaturel,
Sur les flots orageux voit briller l’arc-en-ciel !
Heureux dans son désert, heureux dans sa retraite,
Le doux Contemplatif, le calme anachorète !