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Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/9

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L’amour de la solitude et de la pauvreté, l’esprit de prière et de sacrifice, la pratique des Conseils Évangéliques dans toute leur pureté primitive, l’héroïsme de l’humilité monastique, en un mot, les Ordres Mendiants, les moines Contemplatifs, les angéliques Solitaires, — voilà le contre-poids dont a besoin ce siècle d’orgueil, de publicité, de bruit et d’action fiévreuse, ce siècle idolâtre de l’or et de la chair, où l’égoïsme du riche irrite le pauvre, et l’irritation du pauvre menace le riche ; où tout semble hors de sa place et dans une confusion qui présente l’image de la plus désolante anarchie. Demandez au génie, demandez à la sainteté de tous les temps et de tous les lieux, demandez aux héros de la grâce, où ils ont trouvé le secret de leur force et de leur douceur, de leur patience et de leur sagacité, de leur science et de leur action puissante, et comment ils se sont élevés de vertus en vertus, de succès en succès, jusqu’aux miracles les plus éclatants ; et tous ils vous répondront : « C’est dans la solitude, c’est par la pauvreté ! » Allons donc dans la solitude, pour nous y retremper ; embrassons la pauvreté, comme St-François d’Assise, afin d’être plus libres, plus forts et plus semblables à celui qui n’a pas eu où reposer sa tête. Oui, la solitude et la pauvreté, voilà « le secret de tous les héros de l’esprit ! »

Le peuple Américain, à cause de sa nationalité mixte et complexe, peut être appelé le Peuple des peuples. Chaque peuple de l’Ancien Monde a apporté son riche contingent dans la formation de ce Peuple nouveau, de ce jeune colosse républicain. Les races transatlantiques, conduites par la Providence qui dirige le vol des oiseaux, en se fixant sur un sol fertile, dans une Terre promise, à l’ombre d’une Constitution qui exclut toute possibilité de despotisme, les races du Vieux Continent perdraient-elles, en traversant l’Atlantique, en abordant l’Amérique hospitalière, en se disséminant et se croisant dans son étendue illimitée, ces races perdraient-elles la foi, l’espérance et l’amour qui enfantent les vertus héroïques ? Quoi ! des races vigoureuses, transplantées sur un sol vierge, dans un Monde Nouveau, ne pourraient plus ce qu’elles pouvaient sous le ciel de la patrie ? Si cela est, alors ne parlez plus de la verte et catholique Irlande ; ne parlez plus de la belle et apostolique France ; ne parlez plus de la noble et chevaleresque Espagne ; ne parlez plus de l’harmonieuse et mystique Germanie ; ne parlez plus de la classique et pontificale Italie : C’en est fait de la vieille et froide Europe ! Les races, qui aban-