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Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/10

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LE GRAND SILENCE BLANC

six centimes quand un chanteur voulait bien la mettre au programme.

Le théâtre, ce fut ma marotte ; n’avais-je pas eu une pièce primée, médaillée comme une bête au concours, lorsque j’avais seize ans ? « Vos actes, oui… très bien, portez-les donc à Monsieur Un Tel qui signera avec vous (moitié des droits d’auteur), plus une ristourne d’un quart pour le régisseur, un autre quart pour le directeur. » Je pose zéro et je retiens tout.

J’ai été secrétaire… J’ai beaucoup été secrétaire dans ma vie, et à ma mort je ne désespère pas d’être embauché par M. Saint-Pierre, secrétariat, service des entrées !…

Secrétaire de théâtre (toujours !), cent cinquante francs par mois ; quatorze heures de travail par jour, un patron qui vomissait des injures comme un autre parle ou respire… une brute congestionnée qui avait une façon de mettre les pouces dans les poches de son gilet en disant : « Moi je travaille pour l’Art !  !  ! »

Secrétaire de vagues gazettes, puis secrétaire d’un abbé… oui, Mon Sieur, d’un bon abbé qui me faisait traduire saint Jean Chrysostome, et me payait quand il avait le temps. Il aimait à dire : « Il fait bon vivre sous la crosse. » Hélas ! sa crosse était dédorée ! Il n’avait pas d’argent cet homme, il ne pouvait pourtant pas en voler pour moi !

Puis, j’ai fait le trust des parlementaires d’un