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LE GRAND SILENCE BLANC

30 degrés sous zéro, j’ai là, vivant, marchant, un homme qui porte un chapeau haut de forme et une redingote qui lui bat les talons.

Certes, Gregory ne m’a conduit ici que pour jouir de cette minute et de mon ahurissement. Il se tient les côtes et rit comme un fou. L’homme se retourne, ce qui arrête net le rire du postier qui, presque respectueux, lance :

— Hello ! camarade, je vous conduis un de vos compatriotes. J’ai pensé que vous aimeriez à le voir…

L’homme retire son chapeau haut de forme, salue cérémonieusement et dit :

— Vous avez bien fait, monsieur.

Gregory s’esquive et nous laisse en tête-à-tête.

J’essaye une politesse. Je lui dis :

— Je suis heureux de rencontrer un Français.

L’inconnu enlève encore une fois son chapeau et répond :

— Tout l’honneur est pour moi.

Alors, il me parle le plus simplement du monde, il m’interroge sur ma vie, mon passé, sur la France. Je le regarde éberlué.

— Je vois ce qui vous intrigue, ajoute-t-il.

— Ma foi, je l’avoue, votre tenue est si étrange… et je lâche tout de trac : Pourquoi diable, portez-vous un chapeau haut de forme ?

Il me regarde fixement et laisse tomber ces mots :

Parce que c’est dimanche !