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LE GRAND SILENCE BLANC

calmer l’atroce faim qui les mord aux entrailles… Ils s’arrêtent parfois les yeux luisants, une patte en l’air, le mufle droit pour prendre le vent… Sur un signal du chef, la troupe repart, avide, empressée…

Grignotant l’écorce des arbres, je reconnais la dent du blaireau et du skunk ; la martre veut sa part, la martre au corps agile, fière de sa peau dorée. Le blaireau paisible quitte la place, mais le skunk puant reste, c’est dame Martre qui, dégoûtée, s’en va…

Un cri aigu. C’est l’hermine querelleuse qui se bat. Elle a surpris un vison. Ses dents pointues s’enfoncent dans le cou de la pauvre bête… Les petits yeux ronds se voilent, les pattes grêles se replient, la queue s’agite, deux ou trois fois, un long tremblement court sur son corps… le vison est mort. Quelques gouttelettes de sang souillent la belle robe de l’hermine.

Ces frôlements, en bas, ce sont les rats musqués ; en haut, ce sont les petits-gris, aux courtes oreilles pointues, à la queue en panache.

Patak, patak, patak, pflout, pflout, pflout… voici les loups qui reviennent menant leur ronde affamée.

Un aboi, la troupe s’arrête, haletante ; dans le lointain, un bruit monte, qui va grandissant, on entend un cloq, cloq, cloq, cloq significatif… Ce sont les grands orignaux, qu’on nomme ici cariboos. Les cariboos dont la rotule se déboîte en