Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
LE GRAND SILENCE BLANC

place devant sa boîte à musique et nous, pauvres fous, de danser et de chanter en chœur nos stupides refrains.

Sandrino était promis à la terre septentrionale. Les êtres sont ainsi marqués par le Destin. Un soir, le saloon de Rupert-City fut dans la joie. Un camarade avait découvert une pépite qui pesait une livre deux cents.

Ces trouvailles-là, ça se fête, et ça se fête, parbleu, au cabaret. Quelle noce ! mon ami, je m’en souviendrai toute ma vie…

L’évocation de la ripaille fait un instant briller les yeux de Gregory Land, mais ses yeux se voilent bientôt et il répète sur un ton plus assourdi :

— Oui, je m’en souviendrai toute ma vie…

On a bu comme des bêtes, plus que des bêtes. La bête, lorsqu’elle a sa suffisance, s’arrête ; l’homme est le seul animal qui puisse manger sans faim et boire plus loin que sa soif. L’intelligence, si intelligence nous avions, avait sombré sous la griffe de notre maître l’Alcool. Sûr, nous étions ivres-morts.

— Tous ?

— Tous. Les dancing-girls et même Ned Douglas qui, pourtant, dans les beuveries savait, et pour cause, conserver son sang-froid.

Mais ce soir-là, il avait dû boire pour entraîner les autres et le whisky avait eu raison de ses calculs de brute roublarde.