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LE GRAND SILENCE BLANC

steamer à palettes s’est aussi laissé surprendre.

Pour huit mois Dawson est sous la neige.

La grande ombre polaire descend. La nuit a mangé le jour.

En attendant que le jour prenne sa revanche et dévore à son tour la nuit, il faut faire provision de sagesse et de philosophie.

Le paysage m’intéresse par sa nouveauté. Je suis, hors la cité, sur une hauteur, dans une cabane faite de rondins de sapins assemblés, qui tient beaucoup plus du perchoir que de l’habitation humaine. La ville et le fleuve déroulent à mes pieds une symphonie blanche, où, par endroits, les sapins mettent une tache vert sombre.

En face, derniers contreforts des Rokies, la montagne se dresse barbouillée d’ocre et plaquée, çà et là, de blanc légèrement bleuté.

J’ai le temps de contempler ces choses et j’emploie ma première journée d’hivernage à des soins ménagers. J’ai visité mes bottes, remis un talon, cloué une semelle. Je couds une peau de renard au col de ma veste de cuir lorsque ma porte s’ouvre et Lynn, mon ami Lynn, entre chez moi.

Lynn est un Indien Koyukuk, à la face camuse, qui, malgré ses rapports avec les civilisés, a conservé l’habitude ancestrale de se peinturlurer les joues.

Il porte un vaste plaid à carreaux, qui a dû