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LE GRAND SILENCE BLANC

Jessie s’est attardée certainement. Sur le seuil, Tempest guette mon arrivée. Sa joie, ce soir, est plus exubérante. Il saute et me lèche les mains.

— Allons, la paix ! Oui, vous êtes un bon chien, je le sais, la paix, la paix…

Une sensation de froid me saisit en entrant. Brrou ! Jessie a laissé mourir le feu. J’allume la lampe, la porte sur la table et j’aperçois un papier cloué sur le bois avec un couteau. C’est un billet de Jessie. Je lis plusieurs fois avant de comprendre, puis la lugubre, l’évidente réalité s’impose.

Jessie est partie…

Ce qu’elle me dit ? Oh ! peu de choses, elle n’a pas fait grands frais.

« Ami, une baleinière appareille tout à l’heure pour Frisco. Je pars. Vous m’en voudrez longtemps, mais lorsque l’apaisement sera fait en vous, vous garderez au fond de votre cœur mon souvenir, parmi les souvenirs qui aident à vivre la vie. »



J’ai fait ainsi. J’ai creusé un trou dans mon cœur. Un trou profond comme une tombe, et j’ai mis, dans le fond, Jessie Marlowe que j’ai rencontrée trois fois, pour chaque fois la perdre.