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LE GRAND SILENCE BLANC

— s’en donnaient à cœur-joie ; les chers garçons s’excitaient du rire et de la voix et menaient grand bruit pour prouver qu’ils étaient heureux.

Je dois rendre grâce à l’un d’eux qui avait renouvelé ma provision de mixture. Je n’avais pas fumé de bon tabac depuis des mois… et j’étais là, ne pensant à rien — il faut le dire — savourant l’herbe à Nicot, dont la fumée faisait des ronds bleuâtres qui allaient en s’amincissant…

Le tableau est très net dans ma mémoire. Je suis là, l’orchestre fait rage, les pieds des danseurs frappent, en cadence, le parquet ; les rires fusent, celui des femmes, aigre, celui des hommes, gras, avec sur tout cela, la voix enrouée de l’hôte qui excite son public à la consommation.

Je devine plutôt que je sens un frôlement… C’est mon ami Hong-Tcheng-Tsi, que j’ai connu dans la Chinatown de San-Francisco.

Mon ami Hong-Tcheng-Tsi est un Chinois qui a su résister à tous les décrets et prohibitions du gouvernement américain qui, pour se débarrasser de la concurrence des jaunes, a expulsé tout simplement les fils de la Céleste République.

Comment ? à la suite de quelles compromissions avec le shérif, Hong est-il resté ? Je n’entreprendrai pas de vous le conter.

Ce que je sais, c’est que les autres sont partis, lui est là…