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MIRABEAU.

Eaux, rentrée en grâce, « déchaînait contre lui ce saltimbanque de Beaumarchais ».

Mirabeau se promit une vengeance mémorable, et, prenant corps à corps le ministre qui l’avait ainsi « déserté », il lui écrivit une lettre véhémente où l’on trouve, au milieu de prolixités insupportables, le portrait le plus ressemblant qui ait jamais été tracé de cet homme d’État présomptueux, fuyant et frivole. « On croit trop aisément que vous savez ce que vous comprenez ; que vous comprenez ce que vous écoutez d’un œil spirituel et fin ; que l’on vous décidera facilement à ce qu’on vous a démontré. Ce sont autant d’erreurs. Uniquement occupé… d’échapper à la difficulté du moment, de trouver les moyens d’être ministre demain, sans savoir comment vous le serez dans huit jours, vous voulez des expédients et non pas des conseils, des prôneurs et non pas des amis, des louanges et non pas la vérité. Pourvu… que vos coteries vous encensent et que vos obsesseurs ne vous grondent pas, que votre inexprimable légèreté l’encontre des distractions, et que rien ne vous arrache à vos plaisirs, les affaires vont toujours assez. »

Voilà bien le portrait vivant de M. de Calonne ;… d’autres pourraient s’y reconnaître.

Ce qui gâte un peu cette verte semonce, d’abord c’est qu’elle est prudemment datée de Berlin ; ensuite, c’est que cette lettre ne parvint jamais à son adresse.

Comment Mirabeau se trouvait-il à Berlin au