Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
MIRABEAU.

renommée en père de famille économe. Tous deux, il est vrai, étaient également contents d’eux-mêmes, également convaincus de leur importance, mais chacun à sa façon. L’un avait en vanité tout ce que l’autre avait en orgueil. « Cicéron et Calilina », dit Mme de Staël ;… ni l’un ni l’autre : Cicéron avait autre chose que du talent ; Mirabeau avait autre chose que des vices.

Il est inutile de suivre plus loin ces intrigues financières et ces cabales politiques, cette mêlée de pamphlets impunis et de lettres de cachet dérisoires dans laquelle, après s’y être longtemps débattu, M. de Calonne disparut enfin sans retour. Après lui, l’incapable Brienne ne dura qu’une année, juste assez pour s’enrichir, pour hâter, par des coups de force impuissants suivis de défaillances funestes, la dislocation complète de l’État, et pour assurer le retour de M. Necker triomphant.

Quant à Mirabeau, l’année qui précéda la réunion des États généraux fut l’époque décisive de sa vie. Jamais intelligence humaine ne fit une aussi prodigieuse dépense de mouvement et d’énergie. Il est partout à la fois, partout en éveil et aux écoutes ; donnant chaque jour au public quelque surprise et quelque secousse. C’est un mémoire écrit en une semaine ; une brochure improvisée dans une nuit ; une lettre bâclée dans une heure. Sur les prisons d’État, sur les lettres de cachet, sur la liberté de la Presse, sur l’agiotage, sur ces questions qu’il a vingt fois remuées et tourmentées dans tous les sens,