Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
MIRABEAU.

plus anciennes familles de la Provence, les Grimaldi, les Galiffet, les Villeneuve, les d’Albertas, les Sabran, sortis la veille de leurs antiques hôtels de Grasse et de Fréjus, ou descendus de leurs bastides crénelées de Cagnes et de la Colle, de Tourette et de Vence ; — vieille aristocratie terrienne enracinée depuis des siècles dans le sol pierreux de ses campagnes ; qui compte ses richesses par les oliviers et les figuiers de ses métairies ; noblesse indigène, nourrie d’âge en âge dans les souvenirs et dans la superstition de son ancienne indépendance ; et que ni les édits de Richelieu, ni le prestige de Louis XIV, ni la longue domesticité de la cour n’ont pu assujettir à l’idée choquante d’un seul État sous un seul maître. Pour elle, il n’y a en Provence qu’un royaume, le royaume du roi René, pays ami, mais non sujet de la France ; « un Co-État », non pas une province.

« Si c’est un Co-État, leur dit durement Mirabeau, traitons donc de puissance à puissance. Au lieu de députés, envoyons des ambassadeurs. Et en cas de mécontentement, les possédants-fiefs provençaux combattront les légions françaises. Mais si nous sommes une province, obéissons à la loi commune ! Depuis quand le sujet fait-il la loi au souverain ? » Et dans cette assemblée quasi factieuse, qui jure de demeurer fidèle aux vieilles constitutions de son pays, qui proteste contre le Règlement de M. Necker, contre le vote par tête, et contre les nouveautés que lui prétendent imposer les ordres de la cour, ce champion inattendu de l’unité française et de la